dimanche 27 juillet 2008

Isomères Miroirs(2)

dimanche 27 juillet 2008
A l’Antiquité, les savants sont encore bien loin de soupçonner l’existence des chromosomes et diverses théories fleurissent. En particulier, Aristote suggère que l’été est plus propice à la conception d’une descendance masculine et déclare que plus la passion est brûlante, plus les chances de donner naissance à un garçon sont élevées. Il place ainsi la différence entre les deux sexes dans une opposition de froid et de chaud. Il défend que la femme est un homme "inachevé" justement à cause de sa froideur qu’il considère comme un frein au développement des attributs masculins. Le modèle de la "température" persiste au fil des siècles et prend toute sa mesure à la Renaissance. L’homme et la femme y sont définis par une série d’oppositions : froide/chaud, imparfaite/parfait, humide/sec, intérieure/extérieur. Selon ce concept, le sexe de la femme est naturellement un sexe masculin inversé que la froideur retient à l’intérieur du corps. Il faudra attendre le siècle des Lumières pour que l’homme et la femme soient décrits d’un point de vue purement anatomique.

Un peu d'histoire
L’année 1890 amorce un nouveau virage lorsque le biologiste allemand Hermann Henking isole le chromosome X. Une dizaine d’années plus tard, Clarence E. McClung propose que cet élément "accessoire", à la fonction alors incomprise, soit lié au sexe mâle. Peu de temps après, la biologiste Nettie M. Stevens et le professeur Edmund B. Wilson, tous deux américains, entreprennent d’élucider son rôle. Chacun de leur côté, ils publient en 1905 des observations similaires : chez certains insectes, le sexe est déterminé par la présence d’un petit chromosome chez le mâle et d’un grand – en l’occurrence X, chez les femelles.Conscients que leur découverte ébranlera l’école qui leur fait face et qui, elle, prône l’influence de l’environnement, ils continuent dans les années suivantes à rechercher des confirmations de leurs premiers résultats. L’ironie de l’histoire veut que leur principal opposant expose, un peu plus tard, leur théorie au grand jour.C’est finalement lui qui apportera une illustration incontestable de la détermination chromosomique du sexe, et laissera ainsi son nom gravé dans l’histoire des sciences.Les découvertes reprennent leur cours en 1912. Hans von Winiwarter constate que la femme présente deux exemplaires du chromosome X alors que l’homme n’en porte qu’un. Quant à Y, longtemps passé inaperçu du fait de sa petitesse, la lumière sur son existence est faite bien plus tard. Le zoologiste américain Theophilus S. Painter le découvre chez plusieurs animaux et chez l’homme au début des années vingt.

Le couple X Y
Ce n’est certes pas un hasard si X et Y n’ont pas été identifiés conjointement. Ils forment le couple le plus mal assorti. Si nos chromosomes s’associent en effet dans des paires similaires selon le credo "qui se ressemblent s’assemblent", X et Y font figure d’exception. X est d’une taille tout à fait "conforme" à celle des autres chromosomes, tandis que Y est étonnamment court. Leur contenu diffère également singulièrement. X affiche environ 1100 gènes alors que Y peine avec ses 76 gènes. Pourtant ils partagent une même origine et il fut un temps où ils se ressemblaient étrangement. L’évolution a cependant largement escamoté Y sur sa longueur et ce en quelque 300 millions d’années. Un processus de dégradation certes lent mais qui paraît inexorable. "Y" serait-il menacé ? Le sexe masculin serait-il en voie de disparition ?… Les scientifiques ne s’inquiètent pas seulement sérieusement du devenir du chromosome mais s’interrogent aussi sur la pérennité de l’espèce humaine…(1)

Mais Qui est ce qui décide du sexe?
L'être humain possède dans le noyau de chacune de ses cellules 46 chromosomes, dont 22 paires d'autosomes, numérotés de 1 à 22 et une paire de chromosomes sexuels ou gonosomes appelés X et Y. La femme compte deux chromosomes X alors que l'homme possède un X et un Y. Chez la femme l'un de deux chromosomes X est inactivé sous la forme d'un amas d'hétérochromatine, ou chromatine sexuelle, le corpuscule de Barr. Ainsi un seul des deux X est fonctionnel.La présence d'un chromosome Y induit le développement de gonades masculines (testicules) alors que son absence entraîne la formation de gonades feminines (ovaires). Donc Ce n'est pas le nombre de chromosomes sexuels qui affecte la détermination du sexe mais bien la présence ou l'absence du chromosome Y.Toutefois le chromosome Y ne suffit pas à lui seul pour former un organe aussi complexe qu'un testicule, son rôle est cependant primordial car il contient un gène qu'on pourrait qualifier «d'aiguilleur» ou «master gene», qui est nommé SRY(*) (sex determining region Y gene). Ce petit gène (un seul exon), localisé sur le bras court (Yp) du chromosome Y, est exprimé dans les précurseurs des cellules de Sertoli et contrôle l'expression de nombreux autres gènes situés sur les autres chromosomes autosomiques et au niveau du chromosome sexuel X.En l'absence de SRY et en présence de deux chromosomes X, la gonade se différencie en ovaire.
Cette période de différenciation gonadique se réalise chez l'homme entre la 5ème et 8ème semaine de gestation.(4)

En Octobre 2006 Les travaux dirigés par l’Italienne Giovanna Camerino révèlent des observations surprenantes. Dans une famille italienne, plusieurs frères sont XX. Quoique stérile, chacun est pourvu de tous les atouts masculins. D’autres hommes XX avaient précédemment déjà attiré l’attention et on avait alors découvert qu’ils avaient hérité du gène SRY paternel suite à son transfert de Y sur X. Mais les frères italiens ne portent pas SRY. Comment se fait-il alors qu’ils soient "mâles" ? En étudiant la fratrie, les chercheurs ont fait une double découverte : une protéine connue sous le nom de RSPO1 est absente chez ces frères, suite à une modification de son gène, alors qu’elle semble essentielle dans le déterminisme sexuel de la femme.
Très rares, les anomalies affectant les chromosomes sexuels sont toutefois diverses et rendent généralement stériles ceux qui en sont victimes. Autre exemple, en miroir aux hommes XX, certains individus XY se révèlent être des femmes car dépourvus du gène SRY. Plus déconcertantes encore sont les personnes qui héritent d’un nombre anormal de chromosomes sexuels. Parmi eux, on retiendra ceux qui sont affectés du syndrome de Turner ou de celui de Klinefelter, plus fréquents que les autres. Vivent avec le syndrome de Turner les femmes X0 – soit avec un seul X et sans Y. Dotées d’un utérus et d’ovaires réduits, elles sont souvent de petite taille et ne développent ni seins ni pilosité. A l’opposé, le syndrome de Klinefelter concerne les hommes XXY. Enfants plutôt grands, les testicules demeurent atrophiés et stériles à la puberté tandis que des glandes mammaires peuvent bourgeonner. Ces troubles détectés dans l’enfance peuvent être heureusement corrigés à l’âge pubère à l’aide d’un traitement hormonal.(1)


Du masculin au féminin

On sait depuis 1950 (travaux de Alfred Jost(2)) que la différenciation sexuelle secondaire (sexe phénotypique) par opposition à la différenciation sexuelle primaire (sexe gonadique) dépend essentiellement de facteurs hormonaux. A.Jost a démontré que la castration d'un embryon de sexe chromosomique masculin (XY) induit le développement du phénotype féminin.
L'appareil génital féminin se différencie, quant à lui, spontanément dans le sens féminin en l'absence d'imprégnation hormonale.On dit que le sexe femelle est le sexe constitutif ou sexe "par défaut". En fait,3 hormones participent à la masculinisation du foetus:la testostérone , la AMH ou Anti-Müllerian Hormone"( dont le gène est situé, chez l'homme, sur le chromosome 19 ) et un facteur de type insuline: l'insuline-like hormone 3 ou InsL3(produite uniquement dans les cellules de Leydig)
Tout commence en fait dans l’utérus après la fécondation. Bien que l’embryon soit déjà XX ou XY, il n’est ni mâle ni femelle jusqu’à la sixième semaine de grossesse. Il n’a ni ovaires ni testicules, mais des glandes génitales alors indifférenciées. Toutefois il est équipé d’un double système de conduits génitaux : les canaux de Wolff et les canaux de Müller qui évolueront, le premier vers la voie mâle, et le second vers la voie femelle..
Sous l'effet d'AMH, les canaux de Müller régressent, et en présence d'InsL3, se declenche la descente des testicules dans le scrotum.
les cellules interstitielles de leydig( siègeant dans les testicules) sécrètent des quantités croissantes de testostérone, dès la septième semaine, qui atteignent leur maximum au cours du 2e trimestre, période décisive de la différenciation sexuelle masculine. (3)

à suivre





(*)Malgré l'action a priori dominante du SRY, les anomalies de la différenciation sexuelle ont permis de montrer l'implication d'autres gènes localisés sur le chromosome X, ainsi que sur certains autosomes (9, 11, 17, 19).
Voir aussi :Rôle du SRY
(1)"Etre ♂ ou ♀, telle est la question" par Séverine Altairac
(2)Alfred Jost biologiste français
(3) Embryologie.ch
(4)Determinisme du sexe


A lire:
Hommes, femmes, la construction de la différence de Françoise Héritier


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Douce soirée à toi.

Anonyme a dit…

Merci pour ton récent passage ! Tes articles sont fort bien documentés ! je reviendrais !!

Marc de Gondolfo a dit…

37°2 le matin :)

 
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