mercredi 13 août 2008

Isomères Miroirs (3)

mercredi 13 août 2008



Il naît normalement dans le monde 105 garçons pour 100 filles et cette constante biologique de l’espèce humaine est immuable. Pourtant la proportion de garçons chez les nouveau-nés s’est mise à augmenter dans les années 1980 dans plusieurs pays d’Asie de l’Est, notamment en Chine et en Corée du Sud . Une préférence marquée pour les garçons existe dans ces pays en raison du fait que la société y est fortement patrilinéaire – la propriété et les droits s’y héritaient de père en fils il y a encore peu de temps – et la place des femmes est réduite, ce qui fait que les familles tiennent beaucoup à avoir au moins un enfant mâle pour perpétuer la lignée masculine.
Cet enfant devra prendre soin des parents pendant leurs vieux jours et leur rendre ensuite le culte dû aux ancêtres comme il en est coutume dans le confucianisme.en fait Depuis les temps anciens, selon le dicton chinois :« les trois moments les plus beaux de la vie sont la réussite à l’examen impérial, le mariage et la naissance d’un fils ».
L'inde elle est une des seules nations, à l'instar de la Chine, dont la population se caractérise par un continuel nombre de filles inférieur à celui des garçons. le recensement indien de 2001 a dénombré 108 garçons pour 100 filles. Dans le contexte patriarcal indien, où le fils est d'une importance familiale primordiale par rapport à la fille qui coûte très cher à ses parents, l'infanticide des filles est relayé depuis trois décennies par l'avortement sélectif des embryons femelles. Ces deux pratiques se traduisent par des taux déséquilibrés entre filles et garçons. Depuis plusieurs années, le gouvernement tente de lutter contre les techniques de sélection sexuelle qui se développent. Mais l'opinion publique n'est pas unanime et les médecins, principalement dans le privé, en ont fait une véritable manne économique.
Quoique très éloignés géographiquement de la Chine et de l’Inde, les trois pays du Caucase (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan) ont connu le même phénomène de hausse du rapport de masculinité à la naissance dans les années 1990 jusqu’à près de 118 garçons pour 100 filles en 2001 . Comme en Asie de l’Est et du Sud, le phénomène vient d’avortements sélectifs d’embryons féminins.(1)

De l'infanticide au foeticide féminin


La masculinité anormalement élevée des naissances en Chine et en Corée pourrait aussi s’expliquer par l’infanticide des petites filles. Cette pratique est signalée depuis longtemps en Chine et dans d’autres pays d’Asie et elle s’accompagne souvent denon-déclaration de la naissance de l’enfant éliminé, ce qui contribue au déficit apparent de filles dans les statistiques. Mais la masculinité des naissances était à peu près normale dans les années 1970, signe que l’infanticide des petites filles avait reculé ou n’était pas si répandu qu’on l’imaginait. La possibilité depuis une vingtaine d’années d’avorter des filles permet d’éviter l’infanticide et doit contribuer au contraire à en diminuer la fréquence. On ne peut davantage expliquer l’augmentation de la masculinité des naissances depuis deux décennies par la non-déclaration des filles : si certaines ne sont pas enregistrées à l’état civil lors de leur naissance, peu d’entre elles échappent ensuite au recensement de la population étant donné le soin mis à le réaliser.(1)
D'autres méthodes plus radicales existent pour éliminer les bébés filles après la naissance tels que l’empoisonnement, l’égorgement, la privation de nourriture, la suffocation et la noyade.
L’élimination de fillettes dans les villages du Nord Arrot en Inde est souvent justifiée par des causes naturelles ; on les dit mort-nées. Certains parents arrivent même à obtenir des faux certificats de décès auprès de médecins corrompus. Les corps des enfants sont ensuite brûlés afin de détruire toute preuve. Lorsqu’il est prouvé que les parents empoisonnent leurs fillettes, ils changent de méthode en laissant par exemple le bébé mourir de faim.Selon certains rapports, de mauvais traitements sont infligés aux mères et aux nouveaux-nés si l’enfant est une fille plutôt que le fils désiré. La mère et le nourrisson sont maltraités parce qu’ils sont perçus comme une charge et souvent ne reçoivent aucun soin médical. 90% des infanticides surviennent dans les familles où il y a déjà deux filles. Si elles survivent, elles vont vraisemblablement souffrir de négligence puisque les parents méprisent ouvertement ces petites filles. Il est à noter que la plupart des meurtres de ces fillettes sont commis par les femmes âgées de la famille. (2)

La méthode utilisée dans les pays où la proportion de garçons a augmenté consiste à déterminer le sexe de l’embryon pendant la grossesse et à avorter s’il n’est pas celui désiré. La méthode n’est pas efficace à 100%: elle permet d’éviter la naissance d’une fille, mais n’assure pas la naissance d’un garçon. Plusieurs grossesses et plusieurs avortements successifs peuvent donc précéder la naissance d’un garçon, certains couples ne réussissant toujours pas au bout de plusieurs tentatives. La méthode suppose en outre que l’on puisse déterminer le sexe du foetus pendant la grossesse.
En fait,ce n’est que depuis 1972 qu’on sait le faire en prélevant des cellules foetales par amniocentèse et en établissant le caryotype. Le procédé est cependant lourd et coûteux. Il reste l’apanage des pays riches ou d’une minorité aisée des pays pauvres. Le perfectionnement de l’échographie dans les années 1970 et sa large diffusion depuis les années 1980 grâce à la mise au point d’appareils de dimension réduite et de faible coût a rendu le diagnostic du sexe pendant la grossesse accessible au plus grand nombre. Cette méthode permet de connaître le sexe sans trop d’erreurs à partir de 3 à 4 mois de grossesse


Les femmes manquantes


Avec 100 millions de femmes de moins que d’hommes, l’Asie est le continent le plus masculin au monde.UNE SITUATION UNIQUE AU MONDE, UNIQUE DANS L’HISTOIRE - La Chine et l’Inde comptabiliseraient à elles seules 80 millions de femmes manquantes. Malgré le premier cri d’alarme lancé en 1990 par Amartya Sen, économiste indien devenu prix Nobel d’économie en 1998, la situation a encore empiré.
Doit-on s’attendre à une extension planétaire du phénomène? Ce n’est pas sûr : plusieurs pays d’Asie de
l’Est ou du Sud où la fécondité a fortement baissé récemment ont toujours un rapport de masculinité normal (Indonésie, Vietnam, Singapour). Le phénomène n’est pas davantage apparu dans les pays voisins du Caucase (Russie, Iran, Turquie) ou en Asie centrale.
Il en est de même au Bangladesh et au Pakistan, mais la fécondité de ces pays, même si elle a baissé, reste encore assez élevée et il est possible qu’ils seront touchés lorsqu’elle aura chuté à leur tour. Sans parler du reste du monde (Amérique latine, Afrique, Amérique du Nord, Europe) où là aussi le rapport de masculinité est resté normal jusqu’ici. Cependant, même si le phénomène doit rester limité à quelques pays, il a une dimension planétaire en raison du poids démographique de deux d’entre eux – la Chine et l’Inde regroupent 38 % de la population mondiale et le tiers des naissances mondiales.
Que le déséquilibre des sexes à la naissance s’étende ou régresse à l’avenir, des générations d’enfants sont déjà nées avec une surreprésentation de garçons. Ils risquent d’en subir les effets tout au long de leur vie, notamment lorsqu’ils auront l’âge de se mettre en couple: en 2020, le nombre d’hommes sans épouse et sans enfants devrait atteindre 28 à 32 millions en Inde, et 30 à 40 millions en Chine. En effet, le meurtre des filles signifie moins de femmes et de mères pour les générations à venir, donc une décélération rapide de la croissance démographique et surtout un déséquilibre accru de la population mondiale entre hommes et femmes.
Dans un proche avenir, nous pourrions assister à ce qu’Amin Maalouf a décrit dans son livre « Le premier siècle après Béatrice » : "Aujourd’hui tare sociale, le culte du mâle deviendrait alors suicide collectif". On assisterait alors à "l'autogénocide des populations misogynes."(2)




(1)POPULATION ET SOCIÉTÉS,
(2)Comité ONG de la Condition de la Femme – Genève
Photo : Jacek Yerka: peintre Polonais

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Denrées devenues rares, les femmes en Asie se font même enlever par de futurs époux peu scrupuleux qui n'hésitent pas pour cela à passer les frontières : celles qui ne se font pas tuer dès la naissance n'ont pas une vie enviable pour autant.
Merci pour ces articles intelligents et ô combien nécessaires.

Mocka a dit…

Je ne comprends tjs pas pq l'orient n'arrive pas à dépasser cette vénération pour les "mâles"alors que partout dans le monde les femmes ont réussi à trouver la place qu'elles méritent.
très peu d'endroit ds le monde ( à part l'Asie)continue à pratiquer l'infanticide des filles.
Dans le monde arabe on préfère "cumuler" les naissances jusqu'à avoir le Fameux garçon.(l'infanticide des filles a été aboli à l'arrivée de l'islam)
ms il arrive qu'on cumule aussi les garçons jusqu'à avoir La Fille!!
Drole de monde qu'est le notre!!
Merci à toi
amitié

 
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